Cette fille me hante, s'en est énervant. Je tente par tous les moyens de me la sortir de la tête. Elle me hante même le jeudi soir devant Doctor House. J'aimerais qu'elle soit là, entre mon chien et mon chat, sa tête posée sur mon épaules et sa main entrelacée dans la mienne. Et je sais qu'elle espère me revoir, qu'elle aimerait que l'on discute de notre situation. Notre situation. Quelle est-elle d'ailleurs cette situation ? Je ne sais pas où nous en sommes et je ne sais pas où nous allons. Nous étions voués à l'échec dès le début et j'en avais pleinement conscience. J'ai laissé mon cœur parlé pour la première fois et il finit par me faire déchanté. Je ne sais pas si c'est ma raison ou mon cœur qui m'ont poussé, à cet instant, à prendre mon portable et composer son numéro machinalement. A force d'avoir envie de la voir, de la toucher, mes doigts le composent tout seuls et ma voix est mécanique. Je ne réponds que brièvement à ses questions d'usage. Est-elle sincère lorsqu'elle me demande comment je vais ? Je n'en suis pas certain. Elle se fiche de moi, de ce que je peux ressentir à son égard. De ce que je peux ressentir lorsqu'elle est avec lui. Je m'imagine un tas de scènes qui me mettent hors de moi, je ne supporte pas l'idée qu'un autre homme que moi puisse la toucher. Je deviens jaloux à m'en rendre malade, à m'en mordre les doigts. Et pourtant, en sortant avec cette fille, en acceptant cette relation, je m'étais juré de ne pas m'attacher à elle. De la laisser partir, même, si elle le désirait. Et elle l'a désiré. Elle a choisit son mari. Je lui donne rendez-vous au Parke Mexico, je ne veux pas me retrouver seul avec elle ou je suis certain de ne plus répondre de mes actes. Je raccroche précipitamment et me prépare pour ce rendez-vous qui me semble raté d'avance.
J'attends depuis plusieurs minutes, arrivé bien en avance afin d'avoir le temps de fumer une cigarette pour me calmer. Être stressé de la sorte ne me ressemble absolument pas. Je scrute les alentours à la recherche de son parka crème. J'espère secrètement qu'elle a mit une jolie robes et de jolies chaussures claquant sur le bitume. Mon cœur fait un bond, ça ne loupe pas. A sa vue, j'écrase précipitamment ma cigarette et la jette dans le cendrier à côté de moi avant de mettre mes mains dans les poches de mon blouson. Elle est magnifique, son visage m'avait manqué. J'ai l'impression de la redécouvrir à chaque fois que l'on se rencontre. Pourtant, mon visage reste fermé, j'attends qu'elle soit à ma hauteur. J'effleure sa joue de mes lèvres et m'assieds sur le banc derrière nous. « Ton mari ne te cajole plus alors tu viens chercher des câlins vers moi ? » Je suis cynique et mon ton est râleur. Mes mots m'arrachent la gorge tant je hais son mari sans même le connaître. Je plonge mes prunelles dans les siennes, à la recherche de quelques réponses. Comment en sommes-nous arrivés là, réponds moi, blondie. Qu'attends-tu de moi, de nous, de cette relation complètement décousue qui ne fait qu'envenimer nos tristes vies ?

Je suis peut être un con mais un con amoureux, je crois. Du moins, c'est ce que j'ai lu sur internet lorsque j'ai demandé ce que des bouffées de chaleur, le cœur qui bat la chamade et des sourires niais annonçaient comme maladie. Seulement j'ai pas envie d'être amoureux, moi. Je suis Adriel Rainings, le mec le plus infidèle de la terre. Je n'ai jamais ressentit le moindre besoin d'attache, de sentiments autres que du désir face à un manque certains de caresses, de sexe, tout simplement. Là, la situation est différente, je le sens. Castiell a ce pouvoir d'attraction sur moi et je suis certain de rappliquer au moindre de ses sifflements. J'ai d'ailleurs rappliqué sans qu'elle ne siffle, ce coup-ci, éprit d'un manque certain pour son visage, sa voix, sa silhouette, elle. Et je l'accueille comme un con en lui sortant tout le sarcasme et la jalousie dont je peux faire preuve à l'égard de son mari qui n'est au courant de rien. C'est d'ailleurs ce qui me tue, je crois. Que notre relation ne soit qu’officieuse. Que je ne soit qu'un objet, un jouer avec lequel elle s'amuse lorsqu'il n'est pas là et qui lui redevient étranger lorsqu'il rapplique. Je soupire tout aussi longuement elle. Ses réponses sont sanglantes et elles me font presque mal au cœur. Je ne supporte pas l'idée qu'elle puisse me haïr ne serait-ce qu'une seconde. « Tu me manques. » je n'ai pas l'habitude d'être si tendre, ça ne me ressemble pas. Cela dit, les mots sortes tels quels. Je ne les force pas, ils sont claires comme de l'eau de roche. Elle me manque, tout son être me manque. Sa présence s'envole peu à peu de mon appartement et je sens un vide énorme se creuser en moi lorsqu'elle est loin. En l’apercevant, ce vide ce remplit d'elle. Je retiens chacun de ses vêtements, de ses accessoires, le parfum qu'elle porte, la façon dont elle a attaché ou coiffé ses cheveux. Je pose ma main sur la sienne tout en jetant un regard autour de nous. C'est un réflexe, depuis que nous sommes ensembles. Personne ne doit savoir. Et si cette relation officieuse et dangereuse avait un goût d'aventure qui me faisait me sentir vivant, aujourd'hui je dois avouer qu'elle me lasse, que j'en aimerais plus, beaucoup plus. « J'ai.. peut-être été un peu excessif la dernière fois. » que l'on s'est vu et que l'on s'est quitté fâchés. Je serre sa main dans la mienne comme pour joindre le geste à la parole. Je hais m'excuser mais je sais qu'elle me comprend. Je ne supporte pas être éloigné d'elle et ces jours ont été bien trop longs. J'ai envie de la serrer contre moi, de l'embrasser et la redécouvrir, encore et encore.

Ses mots sont froids, glacials j'ai l'impression. Ils me font mal, là dans la poitrine. Mon cœur se serre, je le sens devenir plus petit, s'éponger. Elle me rend malade, malade d'elle. Je n'arrive pas à me la sortir de la tête, à penser à autre chose que son minois jovial. Lorsque je suis dans les bras d'une autre, à tenter de l'oublier, c'est elle qui me revient, c'est à elle que j'ai l'impression de faire l'amour. Il n'y a qu'elle qui me fait cet effet et là et il n'y a que ses mots à elle qui ont eut telle emprise sur mon corps et mon âme. Je sais que notre dispute a été violente et je sais que tout ce que j'ai dis était murement réfléchit. Voilà des semaines que je pense à nous, à notre situation qui est bien trop stressante pour elle comme pour moi. Je ne supporte plus d'être une honte pour elle quand nous nous baladons dans les rues de Mexico. J'aimerais pouvoir empoigner sa taille quand bon me semble, enlacer ma main dans la sienne lorsque j'en ai envie et pas quand elle le commande. « Je ne peux pas répondre à tous tes désirs Castiell, j'ai une âme moi aussi, je ne suis pas une poupée. » dis-je calmement. Aujourd'hui, pas de drames, pas de cris, pas de pleurs. Je pèse mes mots tout en essayant de rester calme et ne pas la brusquer. Ça aussi, c'est une chose que je n'ai jamais fait. Peser mes mots, tenter de ne pas la brusquer. Depuis quand est-ce que je peux pas dire tout haut ce que je pense alors que j'ai toujours fait ça du plus loin que je m'en souvienne ? Avec elle, tout est différent, je suis différent. Et j'ai beau l'aimer de tout mon cœur, de toute mon âme, parfois, je me demande si c'est ce dont j'ai réellement envie. Être un agneau. « Tu ne m'apprécies pas comme je suis. » voilà ce dont j'étais en train de penser. J'inspire, retire mes mains des siennes et les poses sur mes genoux. Je fixe le sol, devant nous. « Tu aimes l'agneau, la brave bête qui est à tes pieds. En réalité je ne suis pas du tout comme ça. » Est-ce que cette histoire rime à quelque chose ? Y a-t-il encore une branche à laquelle je puisse me raccrocher avant de prendre le tournant final de mon argumentation ? J'ai bien peur que non. Je soupire, longuement et je l'entends faire de même. Elle attend sur moi et j'ai l'impression d'entendre son cœur battre la chamade. A moins que ce ne soit le mien. « Je vis pour moi, rien d'autre. Je suis un égoïste, je ne veux pas m'attacher, je suis un solitaire et un salaud. » et j'en suis fier, voulu-je ajouté mais je me retins. Elle n'avait pas besoin d'entendre cela, ni tout ce qui avait précédé mais au moins, elle savait. Je me gardai bien de lui dire qu'avec elle, tout avait changé, tout avait trouvé un sens. J'avais envie de voir sa réaction. Est-ce qu'elle comprendrait toute seule que sa rencontre avait changé ma vie ?

Il y avait une chose quelque peu ironique dans cette histoire ; il y a à peine trois ou quatre jours, j’avais eu une dispute assez forte avec Ioan, lui expliquant au passage que je n’étais pas sa marionnette et que par la même occasion, il ne pouvait pas aller et venir comme bon lui semblait. Depuis, je ne portais plus mon alliance. Un détail qui peut avoir une importance capitale vu la situation dans laquelle je me trouve à l’instant même. Adriel me reproche de me servir de lui, de ne le considérer que comme un agneau qui serait à mon service et qui par la même occasion, ne ferait que m’obéir. Ce sont des paroles qui me blessent, qui me touchent aussi, d’une certaine manière parce que son point de vue ne m’a jamais paru aussi violent. Nous avons pour habitude de passer des heures ensemble sans se soucier de quoi que ce soit, chez lui la plupart du temps parce que dans mon appartement, il y avait quelques dangers. Je ne savais plus quoi dire, si ce n’est lâcher un soupir d’exaspération. Alors que voulait-il au juste ? S’en aller, ne plus jamais revenir dans ma vie et puis point à la ligne. Je baisse la tête, réfléchissant à cette pensée tandis que de son côté, il essaie de me faire croire que ce n’est qu’un salaud de première, qu’il pourrait blesser n’importe qui de par son comportement. Intérieurement, je riais à ses propos. Il n’était pas du genre à s’attacher donc ? Le fait qu’il soit là prouve déjà tout le contraire et pour ce qui est d’être solitaire, je ne pourrais pas le certifier avec certitude mais jusqu’à maintenant, il avait toujours apprécié ma compagnie. Dans la vie de tous les jours, j’ignore bien combien il se comporte ; je me demande même si cela m’importe vraiment de le savoir au vu de ce qu’il m’a dis un peu plus tôt. « Tu as une vision de toi qui me donnerait la nausée. » Celle que j’avais de moi-même n’était pas meilleure mais je me gardais bien le crier sur tous les toits. Je détestais la compagnie des gens. En fait, les seules personnes qui m’entouraient étaient celles dont je ne pourrais jamais me lasser. Pour ce qui est des autres, elles peuvent passer et disparaître que je ne m’en rendrais pas compte. Alors ceux qui me détestent, là, c’est encore pire. Aussi, j’avais tendance à user des mots blessants pour atteindre les points faibles des gens. Pour Ioan, par exemple, c’était de parler de sa famille. Adriel, et bien, c’est peut-être moi. « Avec tout ça, je t’avoue que je ne comprends pas très bien pourquoi tu m’as fais venir. Pour me faire comprendre que je suis une fichue égoïste, qui se sert de toi et qui, de toute évidence, n’a pas assez de cœur pour entendre tes désirs. Si je suis aussi horrible que ça, pourquoi on est là Adriel ? Pour se cracher les pires mots à la figure et attendre que le temps passe pour voir qui cédera en premier ? » Je parlais tranquillement, sans aucune once de colère, bien au contraire. J’avais envie de comprendre, de trouver des réponses aussi peu importe le temps que ça pourrait me prendre. Je ne tentais aucune approche ; peut-être que j’attendais que ce soit lui qu’il le fasse, qu’il me fasse comprendre que j’étais encore quelqu’un pour lui. « Tu sais, tu te trompes complètement. Je t’apprécie pour ce que tu es et aussi pour ce que tu n’es pas. J’aime les petites manies que tu as de toujours vouloir me tenir la main lorsque l’on est dehors, puis aussi de te rabaisser quand tu as envie de te débarrasser d’un moment gênant ou faire croire à quelqu’un que tu t’en fiche. Seulement, tu voudrais m’entendre dire des choses que je ne peux pas te dire, pas maintenant … Je t’apprécie, ça devrait suffire pour l’instant ? »