L'amour, c'est beau, certes. Mais ça fait mal aussi, c'est bien connu. A ce moment là, Bluenn ne savait pas que ce sentiment puissant qui lui faisait pousser des ailes, c'était de l'amour. Plus qu'une simple attirance, plus qu'un désir infini, au fond, elle l'aimait. Elle l'ignorait encore cependant. Blottie contre son torse nu, elle sentait ses muscles saillants sous sa poitrine, et se disait qu'elle ne pouvait pas être mieux qu'en ce moment. La jeune femme se sentait vibrer de désir et de joie lorsqu'elle était avec lui. Ils étaient ainsi allongés l'un contre l'autre, sur le canapé miteux de son garage depuis une heure maintenant, et le temps semblait s’être arrêté. Navid jouait tendrement avec les mèches blondes de la jeune femme, et c'était une sensation qu'elle ne détestait pas, au contraire. Bluenn se sentait en sécurité. Et elle n'avait pas ressenti cela depuis bien longtemps. Elle planta son regard bleu dans le sien, et ils se sourirent. Les mots ne semblaient pas nécessaires pour se comprendre. Il déposa un baiser sur son front et lui dit « Même les cheveux ébouriffés, tu es ravissante. » Elle se mit à rire, sachant pertinemment qu'il la taquinait, étant donné qu'elle détestait être mal coiffée. Bluenn se souleva légèrement sur un coude. « Vous n’êtes pas mal non plus, monsieur. »
Navid et Bluenn se connaissaient depuis un an maintenant. Le sexe, entre eux, durait depuis trois mois. Du sexe, c'était tout ce qu'ils partagaient. Enfin, il y avait plus, mais l'admettre leur était impossible, difficile. Il avait été bien clair au début : pas de sentiments. Pourquoi ? Une chose terrible les séparait l'un de l'autre. Une forme sombre et inéluctable planait au dessus de leur tête, de sa tête à lui. La mort. Navid était atteint d'un cancer, et celui ci était malheureusement incurable. Le destin avait rapproché ces deux etres, mais pouvait les séparer sans crier gare, d'un moment à l'autre. Et admettre avoir des sentiments l'un pour l'autre risquerait de les détruire. On ne peut pas dire que Navid se comportait de façon correcte avec la blondinette. Il pouvait en effet se montrer adorable, mais aussi bien le contraire. Lunatique, il pensait que sa maladie lui donnait le droit de se comporter ainsi. Et quand il sentait que la limite qu'il avait imposé pour lui et Bluenn était sur le point d’être franchie, il ne manquait pas de le faire savoir et se comportait comme un goujat. Il pouvait changer d'une minute à l'autre, devenir une toute autre personne. Et c'est ainsi qu'il vint perturber ce moment d'intimité.
Brusquement, il se leva, et se sépara de Bluenn. Il sortit de la pièce, et revint tout habillé. D'une voix dure, presque agressive, il lui dit « Bon, il est temps de partir maintenant. J'ai des choses importantes à faire. » Bluenn avait l'habitude de ses sautes d'humeur, mais elles n'en étaient pourtant pas plus faciles à chaque fois. Et vexée, elle enfila ses vêtements. Il avait le don de la faire se sentir malpropre à chaque fois, et pourtant, elle revenait toujours vers lui à un moment ou à un autre. Comme une addiction, une drogue, il la faisait vivre. Et vivre signifie aussi souffrir. Avant de partir, elle se pencha pour lui déposer un baiser sur la joue, mais il se recula d'un pas, et la gratifia simplement d'un « A la prochaine. » Honteuse, et n'osant rien dire, car pour elle il avait tous les droits de se comporter ainsi, après tout il était mourant, elle repartit, tête baissée, vers sa maison. Comme il est douloureux d'aimer.